L’analyse des diverses réponses du secteur de l’éducation à la recommandation de l’ONU de promouvoir le développement durable amène à observer un gradient de positionnement. Si certains choix nationaux sont imprégnés d’une vision éconocentrée et néolibérale (Royaume-Uni), d’autres pays comme la Hollande font coexister à côté de cette prescription un programme apparenté à une Éducation à la Nature et à l'Environnement. En Italie, en Suisse et en Allemagne, l’éducation relève d’une juridiction décentralisée, ce qui a pour conséquence la cohabitation de plusieurs systèmes éducatifs qui privilégient parfois des approches très diverses de l’éducation à la soutenabilité (ESD). Enfin, à l’opposé de la politique du Royaume-Uni, se trouvent plusieurs pays latino-américains qui proposent des approches nationales plus critiques et distantes de la prescription onusienne. Dans une présentation plus diachronique, mais néanmoins succincte, les prescriptions successives de l’éducation nationale française sont placées dans ce gradient de positionnement. Contrairement à une représentation commune, la mise en place de l’ESD au niveau international ne s’effectue donc pas de façon homogène. S’il est totalement souhaitable d’observer, dans le cadre de la mise en place de programmes d’enseignement, des disparités locales liées à des contextes socio- éducationnels spécifiques, il semble que la très grande variabilité des approches décrites traduit bien plus des divergences fortes d’analyse et d’appropriation de l’ESD. Ainsi, contrairement à ce que certains prescripteurs de programmes pourraient ou souhaiteraient laisser entendre, la prescription internationale de l’ESD et ses applications locales sont de fait l’objet de choix idéologiques et politiques très importants qui divergent donc naturellement selon les pays et les époques. Il est d’ailleurs très intéressant de noter la très grande neutralité, sur cet aspect, des Hollandais qui inscrivent dans leur propre constitution la liberté des choix pédagogiques des enseignants, ce qui a pour conséquence le fait d’offrir des outils aux enseignants pouvant les aider à initier des enseignements très divers privilégiant pour certains des approches naturalistes (bio et écocentrée) et pour d’autres des approches sociocentrées ou plus inscrites dans l’ESD soit clairement anthropocentrée. Il est également intéressant de noter que parallèlement à la vision très utilitariste de l’environnement prônée par l’ESD, certains pays qui privilégient cette approche tendent vers une vision également très utilitariste de l’école qui ne doit plus exclusivement tendre à enseigner des savoirs fondamentaux, mais plus fondamentalement à préparer les jeunes au marché du travail.

 

GIRAULT, Yves, ZWANG, Aurélie et JEZIORSKI, Agnieszka


Ce texte reprend pour partie la publication téléchargeable ci-dessous :

 

Pour citer ce texte: Girault, Zwang et Jeziorski (2013). Finalités et valeurs de différentes politiques d'éducation à la soutenabilité. Revue Éducation Relative à l’Environnement – Regards. Recherche. Réflexions, vol. 11, pp61-80.