Les Géoparcs sont porteurs d’héritages géologiques remarquables. Ils ont donné lieu à des investigations et des interprétations scientifiques qui en font des témoins du contexte géodynamique de notre planète à la compréhension duquel ils contribuent. Mais ce sont également des territoires de vie et d’expériences pour les habitants, les naturalistes, les passants. Ils sont gros aussi des traditions orales. Ils contiennent de fait une somme importante de connaissances et de savoirs locaux.
 
Les Géoparcs sont ainsi des lieux privilégiés pour croiser questions locales et questions globales et faire des différents acteurs des partenaires possibles d’un travail collaboratif visant la co-construction de savoirs sur ces parcs et au-delà. C’est dire l’intérêt de ces recherches pour des confrontations raisonnées de points de vue, et les perspectives éducatives qu’elles représentent, au regard des préoccupations actuelles de développement durable à différentes échelles. Restent à identifier les conditions de possibilité de telles co-constructions de savoirs.

Introduction

Les Géoparcs sont porteurs d’héritages (géologiques, culturels et sociaux) remarquables. Leur création, leur fonctionnement, leur pérennité ne tiennent donc pas dans la seule protection d’espaces géologiques naturels. Leur création relève de trois objectifs principaux : la protection du géopatrimoine, l'éducation et le développement local durable (Gonzalez-Tejada & al, 2017, p.7). Elle fait ainsi de ces espaces naturels à la fois des terrains d’études pour les scientifiques et des territoires de vie et d’expériences pour les habitants, les naturalistes, les passants. Cette conception holistique détermine la rencontre de savoirs pluriels. Car si les Géoparcs ont en effet donné lieu à des investigations et des interprétations scientifiques qui en font des témoins du contexte géodynamique de notre planète à la compréhension duquel ils contribuent, ils sont gros aussi des traditions orales. Ils renferment de fait une somme importante de connaissances et de savoirs locaux, qu’il s’agit aussi de prendre en compte.

Les Géoparcs sont donc des aires géographiques, des sites, des paysages où nature et culture sont en interaction, où des questions locales et des questions globales se croisent, où des partenariats forts et multiples se nouent. C’est dans ce contexte que des recherches collaboratives peuvent prendre tout leur intérêt, en mobilisant des scientifiques et des acteurs du terrain. Elles permettent ainsi la co-construction de savoirs sur les parcs et au-delà, en adoptant une vision de la recherche qui s’enracine dans les préoccupations des pratiquants des Géoparcs. Par des confrontations de points de vue et d’expériences, elles contribuent à engager ceux qui s’y impliquent dans l’élaboration de stratégies d’interventions globales et cohérentes pour le développement durable à différentes échelles. A quelles conditions de telles co-constructions de savoirs par des acteurs pluriels sont-elles possibles ? C’est en rapportant cette question au système de tensions qui caractérise les Géoparcs (entre Nature et Culture, entre savoirs scientifiques et savoirs locaux) que nous allons la travailler.


La co-construction de savoir entre Nature et Culture

La première des tensions est celle qui inscrit les Géoparcs entre Nature et Culture. Le but de chacun d’eux est en effet « d’explorer, de développer et de célébrer l’ensemble des liens unissant ce patrimoine géologique avec tous les autres aspects des patrimoines naturels, culturels et immatériels de son territoire » (UNESCO, 2016). Des écueils viennent cependant de l’opposition que l’on pourrait faire entre nature et culture. Si elle est riche méthodologiquement (Lévi Strauss, 1962, p. 294), elle expose au risque de figer chacun de ces pôles et de cantonner tout un chacun dans un rôle figé qui reste étranger aux autres pôles. 

Car d’une part, pour suivre Latour (1997/1991), les Géoparcs ne sont ni du côté des objets, ni du côté des sujets. Ils sont des deux côtés. Ce sont des objets étranges de notre monde, que l’on peut qualifier d’hybrides, comme le sont le « trou » de la couche d’ozone, ou encore l’évolution climatique de la planète, et qu’il est impossible de coincer « dans la position médiane qui en ferait un simple mélange de chose naturelle et de symbole social » (ibidem, p. 73). Ils existent dans une intime fusion par laquelle « s’effacent les traces des deux composantes de la nature et de la société », bien « qu’elles se font face « comme dans un miroir » » (ibidem, p. 73 où Latour se réfère à Lévi-Strauss, 1962, p. 266). Cela a une conséquence en matière de problèmes travaillés pour promouvoir et pérenniser les Géoparcs, que ces problèmes soient locaux et/ou globaux.

D’une part parce que ces problèmes locaux et/ou globaux ne peuvent ni être sous le contrôle exclusif des sciences de la nature ni sous celui des sciences sociales. Ou, dit autrement, ni être assujettis à de seules « lois naturelles » d’évolution (indépendamment du monde social) ni être tenus exclusivement par le droit ou le politique (sans lien avec l’environnement naturel des populations humaines). C’est un équilibre global de ces deux ensembles qui est à penser (Serres, 1990, p. 66). Prenons l’exemple de l’Eifel en Allemagne (VulkanEifel Unesco Global Geopark[1]), un des premiers Géoparcs labellisés comme tel. Il s’agit d’un ensemble volcanique remarquable constitué notamment de plusieurs maars. L’intérêt scientifique de ces cratères est considérable, en particuliers parce que certains d’entre eux sont remplis de sédiments qui en font des archives climatiques parmi les plus anciennes et les plus complètes de l’Europe centrale (en l’état actuel des recherches, la remontée temporelle atteint quelque 130 000 ans). Si la conservation esthétique de ces paysages géologiques est essentielle, elle ne vise pas seulement la reconstitution du passé géologique et la préservation de ces formes paysagères. Elle va de pair avec la préoccupation forte d’assurer l’existence et le développement économique et culturel des populations qui vivent dans cette région. Or « Globalisation often destroys existent, sustainable forms of business. Rather, it must be promoted carefully through consumers, producers and policies »[2] (« la mondialisation détruit souvent les formes d'entreprises existantes et durables. Elle doit plutôt être promue avec soin par les consommateurs, les producteurs et les politiques »[3]). D’où la nécessité de réunir et de mettre en commun consciemment toutes les forces des domaines de l'économie, de la culture, de l'environnement et de la politique pour penser le Géoparc et son évolution sous l'égide d'un développement régional durable.
D’autre part parce qu’il n’est pas possible de travailler ces problèmes locaux et/ou globaux portant sur les hybrides naturo-culturels que sont les Géoparcs sans admettre qu’ils intègrent aussi tout « chercheur » et, plus largement, tout acteur qui les prend en charge. A l’objectivité que celui-ci recherche en s’inscrivant dans le champ des sciences naturelles ou sociales, s’oppose sa subjectivité et ses intentions en tant que sujet, qu’il soit habitant, propriétaire, professionnel, promeneur concerné dans sa vie dans le Géoparc. Car les motivations des « chercheurs » font aussi partie du problème. Il est nécessaire alors de se prémunir vis-à-vis des limites et des dérives des recherches collaboratives et de la co-construction de savoirs. Comme l’écrit Fabre (2014, p. 32), tout au long de la recherche, il s’agit d’avoir en tête la question suivante : « cette motivation est-elle respectable, conforme au bien commun ? ». C’est à une sorte d’intellectualisme pratique que cet auteur en appelle, avec des mises en garde (confits d’intérêts, impostures, filoutage des problèmes) et l’orientation vers une prudence éclairée au sens d’Aristote, c’est-à-dire « une disposition pratique accompagnée de règle vraie concernant ce qui est bon ou mauvais pour l’homme » (Aristote, 1965, Ethique de Nicomaque VI, 5, 1140b). Où l’on voit que la raison et le raisonnable, avec ce qu’ils convoquent de problématisations responsables, jouent dans ce qui se co-construit (Fabre, 2014). Ainsi en est-il par exemple des études effectuées au sein du Géoparc Toya-Usu UNESCO (Japon) où sciences, vie et mémoire des peuples Jomon et Ainu se conjuguent au profit d’une occupation des territoires intégrant la prévention des risques volcaniques (« Since the aboriginal Jomon-Ainu people, basic philosophy “living together with ever-changing mother earth” has developed » [4]).


La co-construction de savoirs, entre savoirs scientifiques et savoirs locaux

Par la richesse et la diversité de leur patrimoine géologique, par leurs objectifs et leur souci de fonctionner avec des partenaires pluriels, les Géoparcs sont nécessairement conduits  à collaborer avec les universités sur des programmes de recherche en sciences de la Terre « de façon à accroître les connaissances que nous avons de la Terre et de son fonctionnement », mais aussi « de prendre en compte, en même temps que la science, les connaissances locales et autochtones (…) et de les inclure dans la planification et la gestion de la zone » (UNESCO, 2016). A cela s’ajoutent des préoccupations de « vulgarisation des connaissances scientifiques pour ne pas rebuter le public », des recherches de « synergie entre science, arts et cuture » mises au service d’une large gamme de projets et d’activités, de travaux dépassant leurs frontières de façon « à accroître l’entente entre les différentes communautés ». (UNESCO, 2016). Vaste programme quand il s’agit de se reporter à la co-construction de savoirs dans le cadre de recherches collaboratives. Plusieurs points nous paraissent importants à relever pour opérationnaliser ces intentions.

 

  • La nécessité d’apprendre à connaître les régimes de savoirs autres que scientifiques

Pour l’anthropologue Carneiro da Cunha (2012) le savoir tout court renvoie à la science, alors que pour parler des savoirs autres, il faut toujours ajouter des adjectifs comme « locaux », « autochtones », « traditionnels ». En quoi ces savoirs se distinguent-ils ? Par leur portée, qui serait universelle pour les premiers, circonscrite pour les seconds du fait de leur construction et de leur opérationnalité dans un espace géographique et social limité ? Pour cette auteure, raisonner sur la base d’une telle division est très discutable : ce serait opposer le systématique à l’anecdotique, l’analytique au descriptif et en fin de compte l’universel au particulier (ibidem, p.3). Il paraît beaucoup plus fécond de saisir l’« épaisseur » de tous ces savoirs, autrement dit de s’intéresser à leurs régimes de fonctionnement et à leurs modes d’acquisition. Prenons les savoirs traditionnels. On sait que leur appropriation ne se limite pas à un passage d’informations. Si tel était le cas, ce serait considérer qu’ils sont des productions achevées qu’il suffirait de collecter. Une fois cela fait, on pourrait donc se désintéresser de leurs détenteurs initiaux. Or cette transmission est beaucoup plus complexe. Dans le contexte des Géoparcs, il est donc impossible de penser que la co-construction de savoirs se fasse indépendamment des sujets qui les pratiquent, qu’ils soient scientifiques, carrier, agriculteurs ou autres. De leur côté, les expertises des scientifiques s’appuient fortement sur des savoirs de la pratique, en particulier dans leurs études de terrain (Orange & al., 1999). C’est donc par le questionnement de la diversité des régimes de savoirs et de leur transmission que des emprunts ou des transferts pourront se faire des uns aux autres, et que des innovations en termes de savoirs pourront naître. D’où l’importance de mettre en place des réseaux d’acteurs pluriels de plein droit partenaires et interlocuteurs.

 

  • La nécessité de reconnaître la valeur des savoirs scientifiques et des savoirs autochtones

Dès lors que l’on parle de productions de nouveaux savoirs, se pose la question de la propriété intellectuelle de ces savoirs, d’autant plus que recherche fondamentale et recherche appliquée (voire commerciale avec les brevets) s’intriquent de plus en plus et qu’en conséquence leur distinction devient parfois particulièrement difficile à établir. Cela peut entraîner (et a déjà entraîné) une appropriation de savoirs autochtones par les chercheurs, sans contrepartie en termes de droits associés aux savoirs autochtones. Il peut en être ainsi dans les Géoparcs. Si l’on n’y prend garde, on encourt non seulement le risque d’une fragmentation des savoirs autochtones (on ne retient que ce qui intéresse) mais aussi le placement sur la défensive des populations qui les détiennent dans leur dimension fonctionnelle et historique.

Dans la co-construction de savoirs sur les Géoparcs, il est donc indispensable de prendre au sérieux tous les savoirs qui les concernent et, à égalité, les acteurs qui les construisent, les pratiquent et peuvent les transmettre. La connaissance, la valorisation et le développement du patrimoine naturel et culturel en dépendent. L’identité même des Géoparcs en dépend. Imaginons les désastres auxquels pourrait conduire cette co-construction de savoirs sans ces vigilances avec l’exemple du Géoparc UNESCO chinois Keketuohai[5], situé aux pieds de l’Altaï, et d’une richesse naturelle et culturelle sans pareille : un cadre naturel tel qu’on le surnomme le Yosemite de la Chine ; une histoire qui conjugue des influences occidentales et orientales fortes ;  des habitants,  majoritairement des Kazakhes, « peuple à cheval » ayant une culture nomade unique, auxquels s’ajoutent des populations sédentaires d’agriculteurs et d’employés d’industries (exploitations minières notamment).


Co-construction de savoir et géotourisme

Si l’on admet qu’une pluralité de partenaires du territoire (par exemple les propriétaires fonciers, les organismes de développement touristiques, les groupes communautaires, la population autochtone, etc.) peuvent participer à la co-construction de savoirs, nous pouvons nous demander quels problèmes peuvent leur « parler » au regard des objectifs des Géoparcs. Cela en sachant qu’une des difficultés tient du constat que « in many cases local people don’t realise that they live in a Geopark » (« dans de nombreux cas la population locale ne se rend pas compte qu'elle vit dans un Géoparc  »[6]) et que par exemple « even twenty years after its creation, only around 10% of the inhabitants of the Dignes[7] Geopark in France are aware of its existence » (« même vingt ans après sa création, seuls 10% environ des habitants du Géoparc de Dignes en France en connaissent l'existence»[8]) (Gonzalez Tejada & al., 2017, p. 9).

Les objectifs des Géoparcs concernent pourtant clairement la population locale : promouvoir le patrimoine géologique identifié tout en développant des activités géotouristiques porteuses de développement local, d’opportunités d'emplois pour la population, d’encouragements à être « ambassadeurs » de de son territoire. Comment alors dépasser ces possibles manques d’implication ?

C’est par une entrée « Géotourisme » et « didactique » que nous tentons de caractériser les types de problèmes pouvant être mis au travail dans des recherches collaboratives situées dans ce contexte.

Pourquoi une focalisation sur le géotourisme ? Parce qu’il constitue une préoccupation de développement partagée par tous les Géoparcs, même si cette entrée ne leur est pas spécifique. Des recherches, comme celles de l’équipe d’Yves Girault (Muséum National d’Histoire Naturelle), montrent cependant que plusieurs points de vue sur le géotourisme peuvent être adoptés - géologique, géographique, « Mother Earth » (voir tableau 1) – avec pour conséquence, des modes de communications et d’enrôlement différents des habitants. Cette diversité d’approche du Géotourisme conduit à des débats et à des controverses qui ne manquent pas d’interroger les enjeux et le mode de fonctionnement des équipes de recherche qui s’y intéressent.  Elle questionne également les types de savoirs « co-construits » à privilégier et la façon dont des publics peuvent se les approprier, autrement dit la dimension didactique associée.

Prenons l’exemple de l’approche sous l’angle de la géologie (tableau 1, colonne de gauche). Elle est basée sur la nécessité de susciter chez les publics du Géoparc de l’intérêt pour le « géologique » et sur le fait que bon nombre d’entre eux ont une culture géologique limitée (« deficit model »).  Il faut donc instruire ces publics, développer leur curiosité, faire qu’ils dépassent l’idée commune des objets géologiques vus comme statiques et immuables. Cela donne un rôle fort aux scientifiques dont la mission est de transmettre selon des canaux divers des savoirs géo-scientifiques. Mais quels savoirs ? En quoi prennent-ils en compte le culturel ? Et, dans une logique pour partie « ascendante », comment faire que les partenaires « pertinents » du Géoparc en soient eux aussi dépositaires ?

L’approche géographique (tableau 1, colonne du milieu), orientée par la valorisation des héritages naturels et culturels, est davantage englobante. Elle est également soucieuse du bien-être des habitants et des visiteurs. Le risque est qu’elle cantonne la recherche participative dans une compilation fonctionnelle et historique de tout ce qui caractérise le Géoparc. La co-construction de savoirs doit aller au-delà. L’approche du géotourisme comme la promotion d’une identité territoriale (tableau 1, colonne de droite) construite et assumée semble être un moyen d’y parvenir, notamment parce qu’elle conjugue la co-construction de savoirs à la possibilité de chacun des partenaires d’acquérir un pouvoir d’agir éclairé (empowerment) sur les conditions écologiques, sociales, économiques et politiques auxquelles ils sont confrontés et qu’ils peuvent vouloir transformer.

Ce sont autant de réflexions qui, plus largement, sous-tendent la question d’une éducation au développement durable de la planète et le travail de questions socialement vives à l’école (Legardez et Simonneaux, 2011). Rappelons aussi que les objectifs des Géoparcs se définissent dans la continuité des objectifs du programme MAB (Man and Biosphere) de l’UNESCO (1984), et des conclusions du sommet de la Terre de Rio 1992 (Gonzalez-Tejada & al., 2017, p. 7).

Venons-en maintenant aux types de problèmes orientés par le géotourisme et pouvant trouver place dans le cadre de recherches collaboratives. Ils doivent à la fois être signifiants, heuristiques, « conscientisants » vis-à-vis du territoire pour les différents partenaires impliqués dans ces recherches.  Qui plus est riches de retombées auprès de publics variés.

  • Un premier type de problème concerne les relations entre pratiques traditionnelles et caractéristiques géologiques des territoires. Qu’il s’agisse de matériaux de construction ou des pratiques agricoles, par exemple, les habitants d’un Géoparc ont fait des choix que peuvent repérer les géologues :  quelles pierres pour quelles fonctions architecturales, quels sols pour quelles cultures (Pommerol, 1990). Un travail conjoint entre scientifique et professionnels locaux peut permettre de préciser comment et pourquoi ces choix sont faits et les mettre en relations avec des caractéristiques géologiques.
  • Un deuxième type de problème pouvant donner lieu à une co-construction de savoirs concerne les actions de sensibilisation et de vulgarisation. A l’image des Géo-événements du Géoparc du Beaujolais[9],  des acteurs locaux et des géologues peuvent travailler ensemble pour organiser des événements qui mettent à disposition du public des mixtes de savoirs locaux et de savoirs scientifiques : mise en lumière de carrières, géologie le long d’une ancienne voie de chemin de fer, promenades patrimoines et roches, géo-pique-niques, etc.
  • Un troisième type de problème s’inscrit dans la pérennité dynamique du Géoparc : scientifiques et habitants sont tous concernés par cette pérennité pour des raisons différentes : les géologues pour la préservation des sites remarquables, les habitants pour ce que peut leur apporter ce Géoparc en termes d’activité ou parfois de contraintes. Se jouent au niveau local des études et des décisions pour le développement durable du Géoparc auxquelles doivent collaborer les différents acteurs. Ces études sont a priori locales mais renvoient souvent à des problématiques globales de développement durable : c’est le cas, par exemple, de la question de l’eau qui a contraint habitat et cultures et qui peut se trouver modifiée à la fois par des modes actuels de vie, d’agriculture ou les évolutions climatiques. Ces dernières, que l’on peut rapporter aux mémoires locales, peuvent avoir des conséquences sur les productions locales, par exemple dans les Géoparcs associés à des appellations d’origine protégée. 

Conclusion

Alors que les Géoparcs, de par leurs finalités, se développent sur un ensemble de tensions, la prise au sérieux et l’intérêt de chacun des acteurs pour les savoirs des autres permet de construire des problèmes qui ouvrent de nouvelles façons de comprendre comment Nature et Culture s’entrecroisent dans ces espaces.

Les savoirs locaux et les savoirs géologiques s’inscrivent les uns et les autres dans l’histoire… Mais dans une histoire à des échelles différentes. La prise en compte de ces différents temps historiques du lieu est une condition pour penser ensemble les conditions et les contraintes du développement du Géoparc ; pour que ce qui se joue ici résonne et raisonne avec ce qui se joue ailleurs, pour que ce qui se fait aujourd’hui n’oublie pas le passé et respecte l’avenir. Ce sont bien là des enjeux essentiels des Géoparcs et des marques de leur forte identité.

 

 

 

ORANGE RAVACHOL Denise[1], ORANGE Christian[2]
 

[1] Université de Lille
 

[2] Université Libre de Bruxelles, Université de Nantes


Liste des références

Pour aller plus loin

Aristote (1965). Éthique de Nicomaque, trad.fr. J. Voilquin, Garnier-Flammarion.

Carneiro Da Cunha, M. (2012). Savoirs autochtones : quelle nature, quels apports ? Collège de France, Leçon inaugurale prononcée le jeudi 22 mars 2012. Disponible sur : https://books.openedition.org/cdf/1286

Fabre, M.  (2014). Les « Éducations à » : problématisation et prudence. Éducation et socialisation, 36. Disponible sur : http://journals.openedition.org/edso/875

Gonzalez-Tejada, C., Du Y., Read, M. & Girault, Y. (2017). From nature conservation to geotourism development: Examining ambivalent attitudes towards UNESCO directives with the global geopark network. International Journal of Geoheritage. 5(2), pp.1-20.

Latour, B. (1997/1991). Nous n’avons jamais été modernes. Essai d’anthropologie symétrique. Paris : La Découverte/Poche.

Legardez, A. & Simonneaux, L. (2011). Développement durable et autres questions d'actualité. Questions socialement vives dans l'enseignement et la formation. Dijon : Educagri.

Lévi-Strauss, C. (1962). La pensée sauvage. Paris : Plon, collection Pocket.

Orange, C., Beorchia, F., Ducrocq, P. & Orange, D. (1999). "Réel de terrain", "réel de laboratoire" et construction de problèmes en sciences de la vie et de la Terre. ASTER, 28, 107-12. Disponible sur http://documents.irevues.inist.fr/handle/2042/8554

Pommerol, C. (1990). Terroirs et vins de France. Orléans : Editions du BRGM.

Serres, M. (1990). Le contrat naturel. Paris : Editions François Bourin.

UNESCO (2016). Les Géoparcs mondiaux UNESCO. Célébrons le patrimoine de la Terre, soutenons les communautés locales. Disponible sur : https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000243650_fre


Co-construction des savoirs