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Critique de la méthode

Elle porte sur différents éléments, le premier étant la question de la représentativité des populations participantes qui se décompose elle-même en plusieurs questions sur la nature du "local" et la définition des acteurs locaux, sur la notion de "communautés" et leurs institutions et donc sur les niveaux d'organisation, ainsi que le comportement des acteurs (diversité des objectifs de participants, alliances, etc.).

Une autre critique sur la méthode porte sur l'imposition d'un cadre de pensée occidental (la carte, le cas échéant en muséologie le musée, la mesure, voire même la démocratie). À noter que la carte ou le musée peuvent être des objets réappropriés par les communautés participantes, parfois réappropriées comme objets politiques pour assoir une revendication territoriale ou identitaire.

 

Elle porte aussi sur le risque possible qui existe pour les commuautés à donner à voir leurs ressources naturelles patrimoniales (forêts, bois ou minerais précieux, sites sacrés, parcours d'éléphants ou d'autres animaux braconnés...) sans cadre juridique qui les protégeraient du braconnage et des occupations ou trafics illégaux.

Enfin, elle porte sur le caractère politique des dispositifs participatifs et la facilité du dévoilement de leur objectif pour forcer l'adaptabilité sociale des projets de développement initiés par les États, les ONG ou les entreprises privées. "Faire participer" permet de faciliter l'adhésion des populations à des programmes de développement ou à des programmes de gestion de l'environnement. La participation affichée est en effet souvent un alibi pour appliquer des "développements" sans que leurs impacts n'aient vraiment été discutés ou que l'acceptation soit formellement acquise.
Les dispositifs sont l'occasion de faire passer des messages ; par exemple "la conservation c'est l'affaire de tous" lorsqu'une aire protégée est mise en place, avec un alibi de construction bottom up intrinsèque de la participation. Souvent menés sur des temps courts, au cours de réunions de groupes censés représenter "une" communauté, les processus participatifs visent les consensus, en gommant bien souvent les disparités ou en occultant les conflits internes pour obtenir un résultat ou définir une position qui devient ipso facto légitime. Pourtant, on sait que ces exercices de traduction d'articulation de point de vue à des échelles multiples, et de représentations (graphique, muséographique, ...) tendent aussi à gommer la complexité des réalités sociales, à simplifier parfois à l'extrême les savoirs ou les représentations du monde différents les uns des autres et donc à produire (ou entretenir) parfois des malentendus tenaces qui peuvent être lourds de conséquences. Au-delà de rares exemples de falsification, il appartient donc aux chercheurs de garder un regard critique (mais bienveillant) sur les divers produits de ces processus participatifs.
 


Implications

Quels que soient les lieux, les formes, les objectifs et les dispositifs participatifs, des questions communes émergent. Au-delà des méthodologies, elles concernent les partenariats à l'oeuvre dans les programmes de recherche et les motivations explicites ou non des institutions, associations ou chercheurs impliqués. Plus spécifiquement, qu'en est-il dans des systèmes peu ou non démocratiques? Elles sont liées aux résultats obtenus à la fois concernant leur robustesse (quelle validité scientifique?), mais également leurs usages dans les arènes de discussion. 

D'autres questions portent sur les effets attendus ou non de ces dispositifs, notamment la recomposition des relations au sein des sociétés. Ces questions sont d'importance à des niveaux micro, mais également macro si on en croit l'intérêt porté par de multiples ONG internationales et les structures telles que l'IPBES. 

Une autre question importante est celle du statut (notamment juridique) des savoirs produits. Les dispositifs participatifs peuvent être tenus comme fabricant des sortes de "communs". Se pose alors la question des ayants-droits, des conditions d'exclusion et des possibilités de changer les règles. 

Le participatif pose des questions de légitimité et de dissymétrie des savoirs et pouvoirs. La dissymétrie chercheurs-participants est en effet au centre de la conception du dispositif, et impose qu'elle soit prise en compte. Cette dissymétrie apparaît aussi dans les restitutions des résultats (accessible à qui?) et dans la validation des données. 

Enfin, les pratiques participatives ont pour effet de renouveler les relations entre sciences et société, et aboutir à de nouvelles formes scientifiques dont les effets à court ou long terme restent encore à mesurer, notamment dans leur impact sur la place du savoir scientifique dans l'ensemble des savoirs. Les effets politiques induits par ces approches participatives sont également à considérer. Elles peuvent marquer, par exemple, l'émergence de pouvoirs qui n'ont pas toujours de légitimité démocratique, et la construction d'une démocratie technique qui est un contre-pouvoir potentiel à une classe politique. 

 

CHLOUS, Frédérique, DUVAIL, Stéphanie, GUILLAUD, Dominique, DE ROBERT, Pascale, CORMIER-SALEM, Marie-Christine

UMR: PALOC (MNHN & IRD), Paris, France


Mise en perspective...