Le Parc naturel régional des Grands Causses situé dans la Région Occitanie offre avec générosité des trésors rares et spectaculaires. La richesse de ses paysages, de sa culture, de son patrimoine incitent à la découverte.
Une partie du territoire du Parc Régional des Grands Causses fait partie du territoire des "Causses et Cévennes", bien inscrit en 2011 sur la Liste du Patrimoine Mondial de l’Unesco en tant qu’exemple de paysage culturel de l’agropastoralisme méditerranéen.
Contexte
Le Parc est un partenaire privilégié des collectivités locales pour valoriser et promouvoir le patrimoine et l'identité culturelle du territoire. Il favorise les activités de découverte en portant une attention particulière aux notions d’interprétation et participe ainsi à l’animation et à la production touristique. De fortes attentes s’expriment sur la mise en scène d’une offre touristique de découverte, porteuse de sens, de connaissance et de compréhension du patrimoine.
Chaque nouveau projet s’inscrit dans les axes définis dans le Schéma d’interprétation du patrimoine (validé et adopté par l’ensemble des élus et des professionnels associés au syndicat mixte du Parc).
Objectifs
Le Parc se positionne comme un acteur majeur du développement de nouvelles actions, différenciées et visibles dans le contexte local, en particulier par la constitution d’un « écosystème numérique » composé d’outils déclinés sur son territoire.
En 2015, une application mobile intitulée Balade des Grands Causses a été conçue à destination du tourisme digital. Cette application téléchargeable, à distance ou directement sur site grâce à la mise à disposition de bornes wifi, permet aux visiteurs, de découvrir à toute heure et en n’importe quelle saison, les richesses du patrimoine et de l’histoire locale.
Au cours de l’année 2018, la livraison des balades en cours de réalisation portera à 11 le nombre de destinations proposées par l’application Balade des Grands Causses : Sévérac-le-Château, Lavernhe-St Grégoire, Combret, Belmont-sur-Rance, Roquefort, Camarès, Saint-Affrique, Saint-Victor-et-Melvieu, Les Costes-Gozon, Saint-Sernin-sur-Rance, Saint-Rome-de-Tarn.
En croisant les supports d’interprétation (panneaux, tables d’orientation, site internet), le développement de ces balades participe à proposer une offre de découverte riche et diversifiée.
Contenu
Les balades numériques conduisent le visiteur de POI (point d’intérêt) en POI à la découverte d'un site.
Elles sont le support d’une médiation patrimoniale ludique qui comprend des données d’interprétation, des jeux, des éléments multimédia (vidéos, photographies, sons), le tout mis en scène selon une trame scénaristique originale et susceptible de développer l’imaginaire du public cible (enfants, familles).
Ces balades sont destinées à être utilisée par le plus grand nombre. L'ensemble des contenus produit en langue française est traduit en anglais et en espagnol. Nouvel outil d'interprétation du patrimoine répondant aux exigences de visiteurs de plus en plus connectés, l’information est divulguée au travers :
- de contenus multimédias sous forme de textes, sons, images, vidéos,
- d’une carte avec positionnement GPS,
- des panoramas interactifs,
- de données culturelles, historiques et patrimoniales,
- de jeux interactifs pour enfants alliant réel et imaginaire.
Chaque balade, incarnée par un personnage conducteur, possède un contenu scénarisé et propose sur un ton familial de parcourir ruelles et placettes en environ 1h30.
Il s'agit d'une gamme évolutive, qui s'adapte au site, avec identité de principe et de forme pour chaque déclinaison. L'interface d'accueil présente sur la carte du Parc l'ensemble des balades disponibles.
Les contenus sont définis en Comité de pilotage : élus locaux, responsables associatifs, personnes ressources, Offices de tourisme, Parc. Le Comité de pilotage permet de faire émerger les contenus, anecdotes, documents… Le tout est confié à la plume d’un scénariste qui opère des choix et les soumet. Différentes réunions permettent de valider la trame et le parcours, avant que le développement numérique n’intervienne. Autant de balades que d’univers singuliers.
VIDÉO DE DÉMONSTRATION: ICI
WILHELM-JAMMES, Roxanne
Parc naturel régional des Grands Causses, France
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La balade numérique de Roquefort ©Katia Fersing
La balade numérique de Roquefort : lorsque l'outil numérique s'inscrit dans un processus de ré appropriation de l'Espace Public
Inaugurée en 2018, la balade numérique de Roquefort, Une vie derrière la légende, constitue un des exemples de balades numériques implantées sur le territoire du Parc naturel régional des Grands Causses. Guidés par Francine, une ancienne cabanière (ouvrière de cave), les visiteurs partent à la découverte de la cité fromagère mise en scène au travers de scénettes et anecdotes portant sur les lieux traversés, les personnages rencontrés, les évènements passés ou le temps présent.
La création de cette balade numérique s’inscrit dans la continuité d’une recherche appliquée menée par une ethnologue autour des mémoires orales de l'AOP Roquefort entre 2008 et 2014[1]. Rejoignant les projets de sciences participatives, une triple méthodologie a structuré l’ensemble de la démarche :
- 1) mise en œuvre d'un projet ethno-pédagogique « La mémoire de mon village à travers les 5 sens » avec l'école du village ;
- 2) réalisation d'entretiens ethnographiques orientés sur les savoirs, les savoir-faire et les représentations liées à la fabrication fromagère ;
- 3) organisation de réunions publiques mensuelles avec les habitant-e-s du village.
Les enquêtes ont mis au jour l’altération du tissu social roquefortais, en particulier dans la relation que les habitant-e-s entretiennent avec leur milieu de vie (dépopulation du village, logiques industrielle et touristique prévalant sur la logique résidentielle, invisibilité des habitant-e-s dans l’espace public, etc.). Un des enjeux a donc été, tout au long du projet, de travailler à la restauration de ce lien mais aussi à la création de nouvelles interactions sociales, en redonnant une place centrale aux habitant-e-s dans l’espace public et politique.
L’implication de ces dernier-e-s (habitant-e-s ancien-ne-s et actuel-le-s, jeunes et moins jeunes), dans les différentes étapes du processus, a favorisé l’élaboration d’une dynamique partagée autour des mémoires orales mais aussi l’émergence d'un capital culturel commun reliant le temps passé et le temps présent. Il a également donné lieu à la production de biens communs via différentes actions de développement local (édition d’un livre de recette, évènements culturels ou sportifs, etc.), laissant, par là même, entrevoir les contours d’un véritable système culturel localisé (Corneloup, 2016).
Baptisé « La balade sensorielle », un sentier d'interprétation est ainsi né des recherches menées avec les enfants de l’école : créés en cours d’année scolaire, des panneaux photographiques (en référence au sens n°1, la vue), des installations sonores (sens n°2, l’ouïe) et des créations plastiques (sens n°3, le toucher) ont été positionnés tout au long de l’itinéraire, l’idée étant de proposer une immersion sensitive et corporelle au cœur des mémoires orales, une découverte du village à la fois ludique et complémentaire à la visite des caves déjà proposée par les industriels. Mais l’implantation in situ s’est avérée compliquée : le manque « d’espaces publics » disponibles à Roquefort a alors conduit les acteurs concernés, école et Office de Tourisme, à adopter des stratégies de contournement pour adapter la proposition au contexte local (ex : dématérialisation des créations à travers l’usage de QR codes, mise en ligne des pièces sonores et témoignages, modification des lieux d’implantation de certaines structures, etc.).
Le format des balades numériques proposées par le Parc naturel régional des Grands Causses est en ce sens apparu tout à fait approprié pour donner un nouveau souffle au dispositif. Obéissant à son propre processus de création, la balade numérique a donc été élaborée en tenant compte des ressources pré existantes : il a par exemple été décidé de conserver l'itinéraire de la balade sensorielle. Les panneaux réalisés autour du sens n°1 ont également été maintenus le long du parcours, tout comme les pièces sonores sont toujours écoutables et téléchargeables.
Un retour d’expérience nous permettra, d’ici quelques mois, de mesurer les effets du numérique sur les pratiques touristiques et récréatives : dans quelle mesure les visiteurs se sentent-ils invités, par l’application ainsi créée et l’imaginaire qui s’y rattache, à vivre une expérience à la fois historique, sensible et ethnographique du milieu roquefortais ? Dans quelle mesure l’insertion de témoignages oraux, de documents écrits ou iconographiques, permet-elle d’amplifier la dimension fictionnelle du récit ? Que gardent-ils de cette expérience ?
Du côté des habitant-e-s, la question se pose plutôt en termes d’habitabilité : quel est l’apport du numérique dans le processus de territorialisation culturelle et politique que nous venons de décrire ? S’il offre ici une alternative, une sorte d’espace public virtuel ouvrant, par là même, de nombreux possibles en termes de visibilité des ressources mais aussi de partages de connaissances et d’expériences, il peut également être perçu comme l’expression masquée d’une résignation, reléguant les enjeux politiques du temps présent au second plan au profit d’un patrimoine mis en scène.
Références:
- Corneloup, Jean (2016). Les laboratoires récréatifs, activateurs du développement territorial en milieu rural, dans Juan-Louis Klein, Bernard Pecqueur, Kirsten Koop et Sid Ahmed Soussi (sous la direction de), L’innovation locale à l’épreuve du global, éditions Presses de l’Université du Québec, Montréal, pp. 125-135.
FERSING, Katia
MNHN, Paris, France
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Page "Le banc des Gélines" de la balade numérique de Roquefort ©Katia Fersing -
Page de "La Mairie" de la balade numérique de Roquefort ©Katia Fersing